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Éditorial par Henri Savall

On ne pouvait continuer d'appliquer, de propager et d'enseigner des principes, voire des recettes de management nés vers la fin du 19° siècle et qui avaient mal vieilli ou ... mal tourné.

L'importation d'idées et de méthodes de management de l'étranger avait provoqué de profondes déceptions dans les entreprises et, dans une moindre mesure, chez certains théoriciens et chercheurs en sciences de gestion :
productivisme brutal, organisation excessivement spécialisée (taylorisme, fayolisme, weberisme), ou leurs opposés : angélisme psycho-naïf, autonomisme non concerté...

L'idée s'était installée, tenace et nocive, que l'efficacité et la rentabilité s'obtenaient au détriment de la qualité, que les entreprises étaient condamnées soit à des stratégies de pure rentabilité, soit à des stratégies plus humaines. Ces antagonismes sommaires que nous dénoncions et le malaise des entreprises que nous observions à la veille de la crise économique mondiale (premier choc pétrolier de 1973, simple révélateur d'un état de carence chronique et profond) ont marqué le point de départ de mes recherches visant à construire une approche tout autant théorique qu'opérationnelle de management.

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  • Puisque l'on s'était évertué, autant dans la pratique du management, que dans la littérature académique, à séparer voire à opposer l'économique et le social, l'idée me vint d'observer  ce qui se passerait au sein des entreprises si l'on rapprochait les éléments que la tradition antagonique avait opposés : humain/économique, satisfaction/rentabilité, productivité/qualité, avantages financiers/avantages qualitatifs, éthique/efficacité.

Ainsi naquit l'approche socio-économique du management des entreprises et des organisations dès 1973. Le noeud conceptuel fut la notion de dysfonctionnements couplée à celle de coût-performance caché (en abrégé : coût caché). L'activité humaine, d'une équipe, d'une organisation, produit simultanément un fonctionnement correct (orthofonctionnement) et des anomalies ou perturbations (dysfonctionnements). Toute entreprise engendre, à tout moment, de bons produits qui alimentent sa rentabilité et préparent son développement et subit des perturbations qui absorbent une partie de ses énergies et de ses ressources financières, provoquant un rétrécissement de ses résultats.

Le coût financier de ces dysfonctionnements n'est pas identifié dans les systèmes d'information de management, et, moins encore, dans le plan comptable, général ou analytique. C'est pourquoi j'ai proposé de le dénommer "coût caché", car s'il est vrai que sa cause est connue (le dysfonctionnement repéré), l'impact financier de celui-ci n'est pas mesuré ni surveillé.

  • Lorsque l'entreprise parvient à réduire ses dysfonctionnements, des améliorations de résultats financiers se produisent, sans apparaître distinctivement dans la comptabilité : c'est une performance cachée. Ainsi, plus l'entreprise a un gisement important de coûts cachés et plus elle peut espérer une amélioration de ses résultats par mobilisation et valorisation de ses ressources internes actuelles, sans recourir à un financement extérieur supplémentaire.

Telle est la conception du management socio-économique innovateur que nous avons conceptualisé dès 1973, puis expérimenté et évalué sur la longue durée. Encore fallait-il concevoir une technologie efficace pour son implantation durable au sein des entreprises et des organisations. Nous avons ainsi construit la méthode d'intervention socio-économique qui s'est avérée efficace et efficiente.

Plus tard, la question de la maintenance du management socio-économique nous a été posée par les entreprises et les organisations qui avaient implanté ce mode de management.

La pratique et l'observation scientifique des processus d'implantation et de maintenance de systèmes de management ont ainsi donné naissance à notre champ de compétence scientifique et technique : l'ingénierie du management et du changement.

La qualité du management des entreprises est aussi importante que la technologie et l'innovation de produits. Compte tenu de cet enjeu, est-il bien raisonnable de ne pas réaliser une abondante et fructueuse recherche-développement en management prise en charge conjointement par les entreprises et par les chercheurs en sciences de gestion ?

  • La recherche en sciences de gestion, quand elle existe, reste trop atomisée, les équipes trop petites et peu structurées, les thèmes abordés trop pointillistes et fluctuant selon les modes. On confond aussi trop souvent la recherche scientifique et la recherche pédagogique. Comment peut-on répondre aux besoins réels de l'entreprise par une simple recherche pédagogique ? Une recherche efficace en management se doit d'être scientifique. Afin de progresser dans le domaine de la gestion et du management, les universités, les écoles, les enseignants-chercheurs, doivent resserrer les liens interactifs de coopération scientifique avec les entreprises et les praticiens.

C'est pourquoi nous avons inauguré avec la création de notre équipe de l'ISEOR une nouvelle pratique de la recherche et de l'intervention en entreprise : une recherche fondamentale à vocation universelle se nourrissant du patrimoine de connaissances accumulé, structuré et modélisé par l'expérimentation répétée et évaluée "sur le terrain", au sein de 2150 entreprises et d'organisations privées et publiques réparties dans 47 pays sur 4 continents.

2 030 000 heures de recherche-intervention de longue durée, et une observation rigoureuse et rapprochée en situation réelle, de plus de 110 000 personnes (directions, encadrements, personnel de base), nous ont permis de construire une solide base de connaissance en management. Les enseignants-chercheurs, membres de l'équipe de direction de l'ISEOR, pratiquent eux-mêmes, à temps dominant, la vivifiante recherche expérimentale sur le terrain, à la tête de leurs équipes d'intervenants-chercheurs (700 depuis l'origine).

L'approche socio-économique se propose aussi d'aider les entreprises et les organisations à mettre fin aux micro-expériences d'amélioration qui se développent rarement de façon durable, et n'irriguent jamais la totalité de l'entreprise.

La demande croissante d'entreprises privées et nationales et d'organisations de service public, nous a permis de développer une recherche contractuelle permettant un autofinancement grâce à la multiplication et au renouvellement des contrats conclus avec les utilisateurs. Cela permet au chercheur d'accéder à un statut de partenaire à part entière de l'entreprise ou de l'organisation, sans dépendre des vicissitudes, des errements, des modes et des limites d'utilité de la recherche exclusivement subventionnée ou excessivement académique.

Encouragés par notre développement progressif et continu depuis 47 ans, nous continuons à enrichir notre base de connaissance et base de données construite avec chacune de nos expérimentations, d'affiner notre programme en grandeur nature. Cela nous permet d'enrichir et nos concepts et nos outils et d'alimenter un vaste observatoire international de la vie réelle interne et externe des entreprises et des organisations, développé en réseau dans de nombreux pays.

Professeur Henri Savall, Président-Fondateur de l'ISEOR

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Dernière mise à jour : 19/02/2013
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